AKLO, l’un des rappeurs japonais des plus populaires, a su faire évoluer sa musique au fil des années, en se taillant une solide réputation chez les audiophiles du rap japonais. RJHH est allé à la rencontre de cet artiste à Tokyo. On a découvert un homme spontané et charismatique, dont le visage s’illumine d’une joie infantile, dès qu’il se met à parler de sa carrière et des souvenirs par rapport à RGTO. Entre deux plans, il évoque longuement son parcours en revenant sans détour sur le succès de ses premiers albums. Après plusieurs singles sortis entre octobre et novembre de cette année, AKLO vient en avant-première répondre à quelques-unes de nos questions.
RJHH : Bonjour Aklo, je te remercie de recevoir RJHH chez toi. Peux-tu commencer notre entretien en te présentant et en me racontant ton parcours ?
AKLO : Mon nom est Aklo. Je suis métis d’un père mexicain et d’une mère japonaise. J’ai vécu à Mexico City jusqu’à l’âge de 10 ans, puis je suis revenu au Japon. J’ai commencé à écouter du hip-hop vers mes 15 ans. J’écoutais surtout les artistes du label No Limit Records en particulier le rappeur Master P. J’étais un très grand fan de tout ce qui provenait de ce label et du hip-hop du sud des Etats-Unis. A cette époque, je rêvais de faire partie de No Limit Records.
Quand j’avais environ 18 ans, j’ai commencé à écrire mes premiers lyrics en anglais même si ce n’était pas ma première langue. Puis J’ai commencé à faire des shows et les fans au Japon m’ont conseillé d’écrire mes textes en japonais afin de comprendre ce que je disais. Quelque part je n’avais jamais pensé à rapper en Japonais. Alors, lorsque l’on m’a fait la remarque, je me suis dit pourquoi pas. Le premier morceau que j’ai fait en japonais et qui n’est jamais sorti a plutôt bien marché, quand je faisais des shows et c’est à partir de là que je m’y suis mis.
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J’avais à peu près 18 ans quand j’ai commencé à rapper en japonais et depuis j’ai bossé et rencontré un grand nombre d’artistes. Mais au début, j’étais plus un artiste underground avec un style de hip-hop expérimental. J’ai commencé à bosser avec DJ Clock qui à ce moment là, faisait une tournée mondiale. Après un show avec lui à New-York, je me suis remis en question en voyant les artistes mainstream et l’énergie qu’ils dégageaient. Pour moi, si je voulais vraiment percer dans le rap game, il fallait que je change mon style et j’ai donc décidé de changer mon rap afin de toucher davantage de gens et surtout de vivre de ma musique.
J’ai donc sorti deux mixtapes qui ont réussi. A cette époque, je n’étais personne sur la scène mainstream, mais après avoir sorti la deuxième mixtape qui a plutôt bien marché, cela m’a permis de rencontrer davantage d’artistes. J’ai croisé le rappeur Simon. Il m’a d’ailleurs invité à poser sur un morceau pour son album appelé “Download“. J’ai ensuite bossé avec le producteur Jigg qui m’a présenté à Bachlogic et on a enregistré un album studio ensemble (Simon, Bachlogic et moi). Par la suite on a créé le label One Year War Music qui comprenait Jigg, Bachlogic, Salu et moi.
RJHH : Après tes premières rencontres, que s’est-il passé ensuite ?
AKLO : J’ai commencé à travailler avec Jigg qui est vraiment un très bon producteur. Bachlogic nous a ensuite rejoint en studio pour préparer mon premier album THE PACKAGE.
RJHH : Je voulais revenir sur THE ARRIVAL sorti en 2014, en te demandant de me parler du morceau RGTO qui cumulent maintenant près de 10 millions de vues sur YouTube. Comment t’es venu l’idée de sortir un tel titre avec SALU et K DUB SHINE ?
AKLO : RGTO est vraiment spéciale pour moi. Après le succès de mon premier album, j’étais encore sous l’effet de cette vague quand j’ai commencé à bosser sur THE ARRIVAL. Le premier titre que j’ai fait était RGTO.
A l’origine c’était une chanson solo, un genre d’entrevue avec moi-même où je me posais des questions avec des réponses. Puis j’ai demandé à SALU et K Dub de poser dessus en leur expliquant que le thème serait en quelque sorte, une interrogation écrite sur le hip-hop. Je voulais faire ça de la manière la plus cool et ils ont posé de super couplets.
RJHH : C’est pour cela que dans la vidéo, on voit les posters de plusieurs légendes du hip-hop américain (KRS ONE, Snoop Dogg, NWA, Dr Dre,Public Ennemy, Rakim, Krush Groove, Jay Dilla, Big Pun) collé sur les murs ?
AKLO : Oui. Lorsque j’ai voulu faire le clip, j’ai essayé d’expliquer au réalisateur le concept du “Try Out” mais il ne comprenait pas vraiment. À la place, il a opté pour le thème du lycée et de l’école. Au final, le rendu est super.
Le truc cool aussi, c’est que tout le matériel dans la vidéo appartenait au réalisateur (posters, livres vintages sur le rap US, tenue de lycéens etc..) donc on n’avait pas besoin de trop chercher. En plus dans la vidéo on peut voir pas mal d’artistes, comme JAZEE MINOR. Il fallait que l’on trouve des artistes en âge de faire des études et j’ai demandé aux rappeurs T-PABLOW et YZERR d’en faire partie et qui étaient déjà célèbres.
Ils n’ont pas pu faire partie du clip, mais ils m’ont présenté d’autres artistes. On a continué à chercher des personnes supplémentaires pour jouer le rôle d’étudiants et on a eu le rappeur VINGO qui est venu. Une rencontre s’est alors produite entre T-PABLOW, YZERR et VINGO. Je pense aussi que le fait d’avoir tous ces artistes présents dans le clip a davantage boosté la vidéo sur le nombre de vue.
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RJHH : Y aura-t-il un RGTO 2 ?
AKLO : K Dub Shine m’a aussi demandé pour un RGTO 2, mais pour le moment on a pas encore trouvé le temps pour faire ça.
RJHH : Dans l’album OUTSIDE THE FRAME, je t’ai vu sur un clip vidéo où tu es en feat. avec SALU sur le morceau “We Go On“. Quelle est votre relation ?
AKLO : Avec SALU, on a enregistré plusieurs morceaux car on se connait depuis un moment. On était sur le même label One Year War, donc on était très proche .
RJHH : Tu as sortie pas mal d’albums, mais j’ai vu ces derniers temps d’autres projets comme “Sorry Come Back Later” et “MIXTAPAS“.
AKLO : Sorry come back Later est un mini album avec le chanteur Jay’Ed. Je le connaissais déjà, car il m’avait invité une fois à faire un son avec lui bien avant de sortir mon album . Quant à MIXTAPAS, c’est mon dernier projet de mixtape que j’ai publié. Tu savais que c’est en téléchargement libre ?
RJHH : Oui, je l’ai récupéré quand c’était en ligne. Pour “Sorry Come Back Later“, j’ai vu dans le clip vidéo de “Different Man” que tu as mis beaucoup de références visuels sur les années 90; cassettes VHS, Super Nintendo, téléviseur cathodique etc … Pourquoi voulais-tu tant montrer cette époque ?
AKLO : Dans la vidéo pour “Different Man” on a voulu donner l’effet d’un film des années 90. La vraie raison de ce choix est que ce titre est le thème musical d’une série télé japonaise. C’est une série d’horreur qui commence toujours par de vieilles vidéos avec des histoires de fantômes. Nous avons utilisé la même intro en montrant l’utilisation d’une cassette VHS . On a donc commencé le clip avec ce vieux matériel et surtout nous avons vraiment cherché à recréer cette atmosphère de l’époque en réalisant le clip.
RJHH : “Différent man” fait partie des morceaux comme “RGTO“, “Red Pill“, “Heat Over Here remix” qui ressortent lorsque l’on fait une recherche sur YouTube. Ces morceaux sont connus en France.
AKLO : Je ne savais pas que ces chansons étaient connues en France. Tous ces tracks sont produis par Bachlogic et elles font partie de mes titres favoris.
RJHH : As-tu terminé ta tournée avec Zorn ? J’ai remarqué que vous êtes régulièrement ensemble sur de nombreux projets de musique y compris ATOZ TOUR.
AKLO : Ma tournée avec Zorn s’est achevée à Tokyo cette année. C’était censé être terminé, mais au final on a décidé de remettre ça pour cinq autres dates.
RJHH : Je pose souvent cette question aux artistes, mais j’aimerai savoir ce que tu penses des compétitions de rap organisés à travers le Japon.
AKLO : La scène hip-hop japonaise est spéciale car ces battles sont super cool. Je peux dire ça, car les artistes arrivent et se jettent dans l’arène sans rien préparer et tu as intérêt à être très fort si tu veux t’en sortir. Et lorsqu’un artiste gagne un de ces concours, il est automatiquement reconnu et gagne en notoriété. Donc pour moi c’est vraiment quelque chose de cool et d’important.
RJHH : Le hip-hop japonais est encore très underground et certains artistes de la nouvelle génération souhaitent exporter leur musique à l’extérieur du Japon. Penses-tu que c’est mieux pour le rap japonais d’avoir des artistes qui décident d’aller à l’étranger ?
AKLO : Je pense qu’il est temps pour nous artistes japonais d’élargir nos collaborations. Mais je ne sais pas. Je pense que ça sera difficile, il faut que l’on conserve notre hip-hop que l’on a développé durant toutes ces années.
RJHH : Tu as quelque chose à rajouter pour terminer cette interview ?
AKLO : Je pense que le hip-hop japonais est vraiment unique. Je parle en tant qu’artiste mais aussi en tant que fan de rap japonais. Je pense que c’est le bon moment pour venir voir notre musique, car il devient de plus en plus gros et reconnu.
Propos recueillis par Roger Atangana